mercredi 10 mars 2010

Encore un kilo de plus

Mes abdos courbaturent, mes mollets se crampent, mes avant-bras tremblent quand je m'accroche à cette rampe. La barre est là, si terrible et si belle, amoureuse amante à chaque effort rebelle. Et mes mains l'enlacent tendrement, la caressent doucement, l'agrippent fermement en dépit des ampoules. Dépense ton corps, dépense tes graisses, dépense tes calories, dépense tes joules. Et encore un poids de plus (un kilo dit le glyphe) à monter et descendre, tel un moderne Sisyphe.

L'adrénaline chante dans mes veines, étouffe les cris silencieux de mon corps: pour aller toujours plus loin, soulever plus de poids encore, je me drogue à mes propres endorphines, plus anesthésiantes que la morphine. Tirer encore et lentement, comme à regret, doucement relâcher. Dépense tes joules, dépense tes muscles, dépense ta concentration, dépense ta volonté. Et encore un poids de plus (un kilo, sans surprise) à monter et descendre obstinément, sans lâcher prise.

Je punis mes muscles d'ankyloses et de courbatures comme on dresse un chien à coups de fouet. Je m'abrutis de douleurs, mon corps n'est plus qu'un jouet, esclave obéissant, tant que ma volonté dure: penser toujours à continuer, forcer le muscle récalcitrant, concentration ultime. Dépense ta volonté, dépense ta rage, dépense ton sentiment d'être une victime. Et encore un poids de plus (un kilo, évidemment) à monter et descendre encore et toujours, péniblement.

Puis enfin je m'arrête. Tout mon être crie de douleurs. Je ne sais enfin plus lequel de mon corps ou de mon coeur me fait finalement le plus souffrir: bienheureuse ignorance. Mais ma concentration est partie et bien sûr je repense à toi qui m'a quitté, qui veux garder mon amitié, et m'exhibe ton nouvel amant. Dépense ton amour, dépense ta douleur, dépense ta haine, dépense ton ressentiment. Et encore un jour de plus (et une nuit évidemment) à m'exténuer le corps pour pouvoir dormir sans rêve de toi.

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